L'autrice, Danielle Thiéry, nous en dévoile un peu plus sur son nouveau roman L'ange obscur.
• L'Ange obscur est votre deuxième roman à destination des adolescents, après Cannibale (2020). En quoi ce nouveau roman s'inscrit-il dans la continuité de Cannibale ? Comment vos personnages ont-ils évolué depuis la précédente enquête, notamment le duo père/fille qui est au centre des deux récits ?
L'ange obscur n'est pas une suite, à proprement parler, de Cannibale. L'ange obscur raconte une tout autre histoire qui se situe moins d'un an après Cannibale et où l'on retrouve le capitaine Marin, sa fille Olympe et deux ou trois personnages de leur environnement proche. Olympe a mûri, elle est encore sous le choc de cette aventure hors normes, elle essaie de surmonter l'épreuve. Difficilemment, car elle a perdu son premier amour et s'imagine souvent, que sa vie est finie. Un événement - le tournage d'un film - dans sa ville lui offre une chance inespérée de se remettre en selle, mais bien sûr, rien ne va se passer comme elle aurait pu l'imaginer...
Le capitaine Antony Marin, son père, va aussi se retrouver en première ligne, dansune nouvelle affaire encore plus stressante pour lui que la précédente...
• Parvenue à l'âge adulte, Anne, votre héroïne, comprend qu'elle a passé toute son existence à chercher quelqu'un, sans le savoir. Et que cette sensation de manque a conditionné toute sa vie. De qui s'agit-il ?
Vince a l'apparence d'un ange, en effet. Il est beau, charismatique, attirant... Mais, telle une sublime fleur vénéneuse, ou comme les sirènes de l'Odyssée d'Homère dont le chant envoûtant envoyait les bateaux se fracasser sur les rochers, il a une face obscure, dangereuse, qui lui a causé bien des torts et l'a, d'ailleurs, envoyé en prison pour meurtres durant de nombreuses années.
Personne, même les psys qui se sont penchés sur son cas,ne semble capable de dire qui il est vraiment. Est-il le jeune homme à l'apparence charmante qu'on a envie d'aimer ou le personnage sulfureux, ténébreux, impur qu'on a condamné ? Le roman nous parle aussi de résilience, celle d'Olympe, de rédemption et de deuxième chance, pour Vince, l'ange obscur...
• Parvenue à l'âge adulte, Anne, votre héroïne, comprend qu'elle a passé toute son existence à chercher quelqu'un, sans le savoir. Et que cette sensation de manque a conditionné toute sa vie. De qui s'agit-il ?
J'ai un peu fréquenté les plateaux de cinéma et les coulisses d'un décor que l'on ne perçoit pas forcément bien quand on est seulement spectateur, et c'est à l'occasion d'un tournage pour une série télévisée que l'idée m'est venue d'exploiter cette ambiance pour un roman. Un film et sa réalisation, c'est comme un miroir à deux faces, le décor et son envers, le film qu'on nous donnera à voir et toute la douleur parfois qu'il a fallu surmonter pour le fabriquer. Cette évocation prend encore plus de sens dans L'ange obscur puisque l'idée est de raconter un histoire vécue dans le passé, en la transposant dans le présent à travers un film et des personnages qui, précisement, sont les acteurs de leur propre drame. Et ces acteurs-là ne jouent pas la partition comme la joueraient des comédiens, forcément. Ils se trouvent, on comprend pourquoi au fil de l'histoire, très impliqués émotionnellement, ce qui est rarement le cas d'un acteur. C'est là tout le sel du roman...
• Parvenue à l'âge adulte, Anne, votre héroïne, comprend qu'elle a passé toute son existence à chercher quelqu'un, sans le savoir. Et que cette sensation de manque a conditionné toute sa vie. De qui s'agit-il ?
Une affaire criminelle, de cette ampleur qui plus est, même dix ans après, continue à marquer les esprits. Il n'y a qu'à regarder les infos et constater l'engouement du public pour ces affaires qui déchaînent les passions trente ou quarante ans, plus parfois, après le fait initial. Il suffit d'un élément nouveau, un témoignage tardif, un élément passé inaperçu dans la première phase d'enquête ou de procès, un changement d'enquêteurs, une remontée de haine ou de rancune, l'opportunité d'une vengeance, pour que tout se relance. Pour avoir enquêté pendant toute ma vie professionnelle, je sais à quel point on n'oublie jamais une affaire, même à priori élucidée, jugée et donc petit caillou qui peut se glisser dans l'engrenage et tout remettre en question.
J'ai coutume de dire, et les événements me donnent souvent raison, que rien ne s'efface. La mémoire des faits est tenace et l'histoire ne cesse de se reproduire, de repasser les plats, de nous jeter en pleine figure ce qu'on s'est ingénié à oublier ou ce qu'on l'on croit, à tort, enfoui à jamais. Ces cycles mémoriels ou factuels m'ont toujours fascinée et je trouve que c'est un génial levier romanesque. Imbriquer les récits - le passé et le présent - relève de la mécanique narrative, il suffit de ne rien oublier en route, de donner corps et cohérence au récit. Un exercice de haute voltige par moment mais tellement passionnant !
L'autrice
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