
Bye Bye Bollywood - 4 questions à Hélène Couturier
#1 Nina, une adolescente de quinze ans, est la voix principale de votre roman, et on peut dire qu’elle ne mâche pas ses mots ! Pouvez-vous nous décrire un peu son caractère, le regard qu’elle porte sur sa famille ?
Nina est toujours de bonne humeur avec ses amies et souvent très énervée avec sa famille. Heureusement, elle a un sacré sens de l’humour et des réalités, ce qui fait d’elle une ado à la fois grave et drôle. Nina est principalement en colère contre sa mère qui préfère les sanctuaires de spiritualité aux clubs de vacances et oblige ses deux filles à s’adapter. Le pire, pour elle, serait de lui ressembler ! Et puis il y a Garance, sa petite sœur de neuf ans, sur laquelle tout le monde s’extasie. « Ils auraient dû l’appeler Parfaite, on en reparlera quand elle commencera à prendre des fesses, à avoir le cheveu gras, la peau granuleuse et un appareil dentaire ! »…Voilà typiquement le genre de pensée que Nina ose partager tout haut. Pour autant, elle est réellement touchante.
#2 D’où vous est venue l’envie de projeter pendant deux semaines Nina, Garance et leur mère,chacune avec ses idées bien arrêtées, dans la vie d’un ashram en Inde ? Auriez-vous par hasard déjà vécu ce genre d’expérience ?
La spiritualité m’a toujours passionnée bien que je ne sois pas du tout mystique, excepté si on considère que le mysticisme, c’est accepter l’idée d’un mystère dans la vie. À une époque j’ai pas mal pratiqué le yoga et séjourné dans des ashrams. Il en existe de toutes sortes et dirigés par toutes sortes de gourous. Certains sont de grands sages et d’autres sont juste vénaux et assoiffés de pouvoir, d’où les dérives sectaires aux quelles on assiste parfois. Aujourd’hui je passe plus de temps sur un court de tennis que sur un tapis de yoga mais je reste une adepte de la méditation. Ceci dit, je n’ai jamais réussi à y faire adhérer mes filles,comme quoi… Cela m’a probablement inspiré une partie de cette histoire !
#3 Vous mettez aussi sur le devant de la scène la personnalité réelle de Sampat Del Paviet et son Gûlabï Gang. Comment s’inscrit la lutte de ces femmes militantes dans Bye Bye Bollywood ?
En Inde, il y a des lois qui protègent la condition des femmes. Mais dans les zones rurales, la négligence ou la corruption des fonctionnaires font qu’elles sont rarement appliquées. Sampat Pal Devi est originaire d’un village de l’Uttar Pradesh. Un jour, elle en a eu assez de voir des épouses frappées ou mutilées, des veuves rejetées, des petites filles mariées de force… Elle a convaincu ses voisines de s’unir autour d’elle pour montrer aux tortionnaires, bâton à la main, qu’à partir de maintenant si on touchait à une femme, c’est à mille qu’on devrait rendre des comptes. J’ai eu la chance de rencontrer cette guerrière et chez elle, j’ai fait la connaissance d’une adolescente qui avait fui son domicile car ses parents voulaient la marier à un homme de quarante ans son aîné. Sampat était en négociation avec le père pour annuler le mariage. Elle a obtenu gain de cause. Et moi j’ai eu envie d’en parler. C’est comme ça qu’est né le personnage de Fulky. Fulky parvient, avec son rêve d’amour, à lutter contre le poids des traditions.
#4 Lors de son séjour, Nina est amenée à rencontrer d’autres jeunes de son âge, en particulier un garçon très différent de ceux qu’elle côtoie d’habitude. Quel type d’émotions déclenche-t-il chez elle ?
Nina est « très » dans son époque. Totalement au fait des tendances et des codes en vigueur. Soudain, elle se retrouve perdue dans un ashram où il y a juste un garçon espagnol de son âge, Jésus, qui ne correspond pas à ses normes à elle. Il est intelligent et cultivé mais il est plus« premier de la classe » que « branché » ! Les circonstances vont pourtant se charger de les rapprocher. Et c’est là que le destin de Fulky, la jeune indienne qui refuse le mariage arrangé parce qu’elle est amoureuse d’un garçon de son âge, fait écho à celui de Nina. En refusant les traditions, Fulky ouvre le regard de Nina et lui permet de s’interroger sur la nature exacte de ses sentiments pour Jésus. Finalement c’est un roman d’amour mais pas façon Bollywood ; façon réalité indienne !