5 questions à Sylvie Allouche
Une interview autour de son dernier polar Serial Tattoo !
1 • Dans Serial tattoo, le lecteur est tout simplement fasciné par la façon dont travaille votre équipe de flics sur le terrain. Comment faites-vous pour imaginer des affaires aussi précises et réalistes ? On croirait que vous avez été vous-même commissaire !
Commissaire ? Dans une autre vie, certainement ! C’est vrai que c’est un métier qui m’aurait plu je crois. Je suis tombée dans le gros chaudron du polar et du roman noir à 25 ans, pour ne plus jamais en ressortir. Du coup, ça a mijoté un long moment avant que je ne me lance. C’est extrêmement compliqué d’écrire un polar. Il faut penser à tout, tout le temps du récit. C’est un travail d’orfèvre où chaque mot compte. Aujourd’hui, je me dis : heureusement que j’ai lu mes classiques avant, parce que ce genre littéraire majeur est totalement addictif !
Le réalisme des enquêtes de Clara Di Lazio puise dans mes recherches sur le milieu policier, l’observation, mes lectures, les séries que je dévore, et aussi dans mes rencontres. Celle avec Danielle Thiéry – première femme commissaire divisionnaire de France, tout de même ! – m’a catapultée dans le monde réel. Et j’ai la chance d’avoir pour directrice de collection Natalie Beunat, dont les connaissances en matière de romans noirs et policiers sont inépuisables !
2 • Clara, Clément, Louise, Gauthier, Nathan, tous vos personnages de policiers forment comme une famille pour le lecteur… Qu’est-ce qui fait la force de cette équipe ?
La confiance. Elle est la base de tout. Ils sont très différents les uns des autres, mais ils se comprennent, se respectent et s’entraident. J’aime mes personnages autant que les lecteurs, je les nourris, je les chouchoute, sans pourtant jamais les épargner. C’est essentiel afin qu’ils soient le plus crédible possible. Ce qui n’empêche pas les coups de gueule et les confrontations entre eux, comment y échapper avec une commissaire aussi explosive ?
3 • Serial tattoo parle du trafic des êtres humains et de l'esclavage. Pourquoi aborder ce sujet terrible dans un livre pour les adolescents ?
Dans le roman, Nathan, le logisticien du groupe, donne ces informations au reste de l’équipe : « En ce qui concerne la traite des êtres humains… Les chiffres dépassent l’entendement. Cela rapporte plus de 30 milliards de dollars par an aux organisations criminelles, ce qui place ce trafic juste après celui de la drogue et des armes. L’arrivée des migrants n’a fait qu’amplifier ce trafic très, très juteux. »
Voilà, tout est dit. Oui, c’est un sujet terrible, mais que personne ne devrait ignorer. Dans mon livre, j’ai mis en scène une mère nigériane et ses trois filles. Elles sont arrivées en France trois ans auparavant et ont dû se débrouiller pour survivre dans un pays qu’elles ne connaissaient pas. Ayo (la mère), Shaïna, Kani et Jahia n’ont pas les moyens de s’offrir les dernières Nike ou autres vêtements à la mode. Elles vivent de peu. De très peu. On pourrait se moquer de leur apparence parce qu’elles portent « des habits qui viennent de chez Emmaüs ». On pourrait les mettre à l’écart parce qu’elles ne nous ressemblent pas. Il ne faut cependant jamais juger avant de connaître l’histoire de celles et ceux que l’on croise chaque jour sans leur prêter attention. Je pense que les adolescents ne seront pas indifférents à leur histoire.
4 • Sans trop en dire sur l’intrigue, pourquoi avez-vous choisi le titre de Serial tattoo ?
Il est dans la lignée de Stabat Murder et de Snap Killer. Par pitié, ne me demandez pas : « Pourquoi en anglais ? » Je répondrais : « Why not ? » Le tatouage est au centre de mon histoire, et l’on verra que l’oeuvre d’art peut fasciner jusqu’à la déraison… Désolée, mais je n’en dirai pas plus !
5 • Louise, une jeune lieutenant, va jouer un rôle central et s’exposer dans cette enquête.
Est-elle prête à sacrifier sa vie ?
Louise est discrète, intelligente, sensible. Mais elle est également forte et dotée d’un mental solide. Elle est capable de s’impliquer totalement – physiquement et moralement – quand elle juge que la situation le requiert (avec l’accord de Clara Di Lazio, of course). Louise va ici faire preuve d’un courage inouï, elle mettra à profit tout ce que lui a enseigné la commissaire, mais elle ne sortira pas indemne – dans tous les sens du terme – de cette enquête. L’affaire Serial tattoo va d’ailleurs plonger toute l’équipe dans les méandres les plus obscurs de l’exploitation, sous toutes ses formes, de l’être humain.
L'autrice
Sylvie Allouche se partage entre la photographie (expositions, publications) et l’écriture. Elle est photographe pour l’agence internationale Bridgeman-Giraudon spécialisée en histoire de l’art. Elle commence sa carrière d’écrivain en rédigeant vingt-six volumes de la collection Il était une fois l’homme, et participe à plusieurs ouvrages documentaires dédiés à l’histoire des civilisations. Depuis une quinzaine d’années, elle se consacre à la fiction jeunesse. Son roman Brothers a obtenu le prix Margot 2014 au festival « Un Aller-Retour dans le Noir », à Pau. En 2016, elle retrouvait le même univers dans Twist Again, un roman de société subtil et puissant, récompensé par quatre prix, dont celui de la NRP. Stabat Murder, la première enquête de la commissaire Clara Di Lazio, parue en 2017, a obtenu onze prix littéraires à ce jour.