21 printemps comme un million d'années - 4 questions à Camille Brissot
Quel est le point de départ de ce roman ? Comment sont nés les personnages de Juliette et de Victor ?
J’ai débuté l’écriture de ce roman il y a dix ans, alors que j’étais étudiante à Édimbourg (ce qui explique les quelques références à cette ville que l’on trouve dans le roman !). C’était la première fois que je me confrontais à un thème sur lequel je suis, depuis, revenue à plusieurs reprises : l’acceptation de la mort et le deuil. J’ai terminé une première version du roman, je suis passée à d’autres textes… Mais je l’ai toujours gardé en mémoire.
J’avais l’impression qu’il n’était pas tout à fait complet, qu’il manquait quelque chose et que ce quelque chose était important. C’est en me décidant enfin à le réécrire que j’ai compris : je ne voulais pas parler de la mort elle-même, je voulais parler de la valeur qu’elle donne au temps. Le temps que l’on a vécu, le temps qu’il nous reste, et ce que l’on en fait.
Victor raconte la vie de Juliette non pas au lecteur, mais à une bande de petites filles inoubliables, à qui il rend visite à l’hôpital. Pourquoi ce choix narratif ?
Mon objectif, c’était de ne surtout pas écrire un roman trop tragique ou larmoyant — d’où cette narration qui permet de dédramatiser l’histoire, en la rendant plus orale, plus vivante. Ce que Victor raconte est dur, mais face à un tel public, pas question de tomber dans le pathos !
J’aimais aussi l’idée d’une histoire dans l’histoire, avec ce que ça présuppose : les ellipses, les oublis, les souvenirs qui remontent au fil de l’eau… Le recul des années, aussi. La blessure est toujours là, mais quelque chose a poussé dessus.
D’autres romans récents se sont attachés à de jeunes héros ou héroïnes condamné.e.s à des existences brèves, et on parle parfois de « sick-lit ». Vous inscrivez-vous dans ce courant ?
C’est hyper glauque comme terme, non ? Pour moi, 21 printemps n’est pas un roman sur la maladie : le nom du mal dont souffre Juliette n’est d’ailleurs jamais précisé. Je n’avais aucune envie d’entrer dans les détails, d’en décrire les caractéristiques ou les symptômes... Car ce n’est qu’un prétexte pour amener les personnages à se projeter dans le futur et à réfléchir à la mort — pas la mort brutale, mais celle qui arrive à petits pas, après s’être annoncée.
Et puis, si le personnage de Juliette est au centre du roman, la voix qui porte l’histoire est tout de même celle de Victor : tandis que Juliette se retrouve confrontée à l’idée de sa propre fin, lui doit accepter qu’il va rester. Il va continuer de grandir et d’évoluer, il va oublier. Aussi proches soient-ils, tous les deux ont des préoccupations qui vont peu à peu diverger. Et en même temps, l’un et l’autre vont devoir apprendre à penser à eux — ce qui n’est pas facile dans le cadre d’une amitié aussi puissante et exclusive !
21 printemps… donne au lecteur une énergie et un élan vital inouïs, parce que le personnage de Juliette nous galvanise, et aussi parce qu’elle reste vivante après sa mort, dans l’esprit de Victor et de tant d’autres gens. Est-ce cette idée qui rend votre roman si lumineux ?
Je l’espère bien, car c’était le but :—). En ayant moins de temps que les autres, Juliette a une conscience aigüe de la valeur de la vie, ce qui la pousse à tout vivre de manière plus intense. Forcément, cela a un impact sur ceux qui l’entourent. Il y a aussi un aspect d’elle que j’aime particulièrement : elle ne cherche pas à laisser de traces derrière elle.
Née le 5 octobre 1988 dans la petite ville de Romans (heureux hasard), dans la Drôme, Camille Brissot a
commencé à écrire sitôt qu’elle a été capable de tenir un crayon, et depuis, cela ne s'est pas arrangé !
Après un certain nombre de tentatives infructueuses, son premier roman, Les héritiers de Mantefaule a
été publié en 2005 aux éditions Rageot, alors qu’elle préparait son bac de français. Deux ans plus tard,
elle intègre l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon, ce qui lui a permis de suivre en parallèle un cursus sur
les civilisations asiatiques et de partir étudier pendant un an à l'université d'Edimbourg, en Écosse. Elle
vit à présent à Paris, où elle travaille dans la communication. Et elle continue, encore et toujours, à
écrire...
Pour en savoir plus : http://camillebrissot.com/
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